Cela fait plusieurs nuits que nous nous aventurons dans la forêt, convaincus qu’une présence nous observe à la lisière des arbres. Cette fuite en avant nous mène soudainement à une découverte inattendue : au loin, partiellement englouti par la végétation, se dresse un portail en fer délabré, coiffé d’une inscription dans une langue aujourd’hui oubliée. Poussant le lourd portail rouillé, nous pénétrons dans ce qui semble être le jardin d’un ancien domaine. La créature nous suit, je le sens ; nous ne sommes pas seuls.
Soudain, devant nos yeux ébahis, surgit un étrange bâtiment, dévoré par la végétation, presque totalement dissimulé sous une couverture de lianes odorantes et pourrissantes. Une ouverture béante se dévoile devant nous, telle une immense bouche sombre. En entrant dans le bâtiment, un sentiment d’horreur et de malaise nous étreint la gorge. Une pièce étrange se révèle, des lézardes dans les murs suintent un liquide noirâtre, accentuant notre malaise.
Une mélopée étrange envahit notre esprit, comme si quelque chose s’était réveillé en ces lieux. Les cris des fantômes résonnent dans notre cerveau alors que nous tentons de sortir. Mais la porte a disparu. Nous voici piégés dans cet étrange bâtiment, à la merci de son passé et de la folie qui l’habite.
Après plusieurs jours d’errances. Nous entendons toujours les voix, les hurlements des déments. Nous avons perdu tout sens de l’orientation ; les pièces semblent changer de place, se dérober sous nos pas. Notre fin semble se rapprocher inexorablement. La soif me prend à la gorge, je n’arrive plus à distinguer les jours des nuits. Les secondes deviennent-elles des heures ou les heures deviennent-elles des secondes ? Je ne sais plus, j’ai perdu le fil de tout cela.
Seul avec mes pensées qui me torturent, je réalise que certains d’entre nous ont déjà mis fin à leurs jours. Je commence à les envier. Mourir semble une libération, mais j’ai l’impression que l’entité qui habite ce bâtiment ne me laissera pas faire. Elle nous tient prisonniers, nous manipule, se nourrit de notre désespoir. La folie guette, et je sens que je suis sur le point de sombrer.
L’entité nous prive peu à peu de nos sens. Suis-je devenu aveugle ou l’ai-je toujours été ? Voici que ma mémoire également prend la fuite. Ai-je réellement connu l’extérieur ? Suis-je encore vivant ou suis-je devenu l’un des spectres de cet endroit ? Où s’arrête la réalité et où commence la fantasmagorie ? J’entends de plus en plus distinctement les voix, tendant leurs bras comme pour souhaiter la bienvenue à un nouvel ami.
Je sens mes forces m’abandonner, mes pensées se dissoudre dans un brouillard oppressant. La frontière entre la vie et la mort devient floue, et je ne sais plus qui je suis ni ce que je suis devenu. Suis-je un visiteur égaré dans ce cauchemar sans fin, ou suis-je désormais une part de cette entité maléfique ? Les murmures se rapprochent, se font plus insistants, m’enveloppent de leur froide étreinte.
Finalement, j’accepte mon sort, laissant la folie m’emporter. Les hurlements des déments deviennent ma berceuse, et les ombres qui hantent ces murs mes compagnons. Peut-être que la libération viendra, un jour, ou peut-être suis-je condamné à errer éternellement dans ce labyrinthe de désespoir. Dans cet enfer végétal et suintant, je deviens l’un des leurs, perdu à jamais dans les entrailles de ce bâtiment maudit.

